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On part en vadrouille !

Lorsque je ne suis pas en voyage, soit je prépare le suivant, soit je raconte le précédent...

Unboliviable !

Le réveil, c’est toujours une guerre civile entre mon corps et mon esprit lorsqu’il intervient avant le passage des éboueurs. Dans le coin à ma droite, mon cerveau m’intime l’ordre de me lever machinalement, là où dans le coin opposé, mes jambes tentent de me persuader du contraire en mettant en avant des arguments plus que convaincants. Un seul arbitre, ma conscience ! Bon, présentement, vu que mon frère parle comme Sinok dans « Les Goonies », j’en déduis que c’est encore plus pire que tôt que la normale lorsque mon téléphone crie de tous ses poumons pour faire bouger nos tas de viande ! Un petit coup d’œil furtif à mon téléphone : Il est quatre heures. « Chut… Fais comme si tu ne l’avais pas entendu et rendors-toi ! » me susurre mon corps à l’oreille… « Debout feignasse, sinon tu vas rater ton avion pour te rendre au Salar d’Uyuni ! » me martèle mon esprit… Bim bam, Uppercut, ma conscience prononce une victoire par KO de mon esprit dès le premier round ! En quelques fractions de seconde, me voilà à battre des records d'efficacité : Habillement, check. Sac bouclé, check. Déblaiement des résidus nocturnes à la commissure de mes yeux, check. Frère qui reparle normalement, check !

 

Faut quand même que je te dise qu’un jour, j’ai rêvé que je marchais sur le Salar d’Uyuni. Et aujourd’hui, je te l’donne en mille, je vais marcher sur le Salar d’Uyuni. Oui, je suis comme ça, moi, je réalise mes rêves… Donc Zobi la mouche, hors de question de louper l’avion qui va m’y mener ! « Envole-moi, envole-moi, remplis ma tête d'autres horizons, d'autres mots… » Bon, rassure-toi, ma crainte était de louper l’avion ou que ce dernier affiche beaucoup de retard… Soulagé je suis car il n’en est rien, nous avons attrapé un taxi à l’heure, nous sommes arrivés à l’aéroport à l’heure, notre avion est parti à l’heure et nous atterrissons à Uyuni à l’heure. Ouf… sauf que les trente passagers de notre avion sont accueillis à l’aéroport d’Uyuni, non pas par un collier de fleurs, mais par un petit écriteau avec leur joli petit nom écrit dessus,… mis à part nous ! Dix minutes, vingt minutes, trente minutes,… nous sommes maintenant les deux seuls couillons à poireauter dans l’aéroport. Soit l’agence avec qui j’ai contracté depuis la France pour la visite du salar nous a délibérément zappés, soit le corps du gars qui était de corvée pour venir nous chercher a remporté son combat contre son esprit et il est resté confortablement au fond de son lit ! Bon, je dois me résoudre à les appeler en passant par la gentille hôtesse d’accueil de l’aéroport : « Oui, oui, pas de souci, on ne vous a pas oublié, on arrive ! » Dix minutes, vingt minutes, trente minutes d’attente supplémentaires… pour voir arriver un gars hagard, une heure de retard à son actif, ne daignant ni nous baiser les pieds pour s’excuser, ni nous raconter que sa grand-mère est morte cette nuit pour la huitième fois pour tenter de se justifier. Sachant qu’on va être guidé par cette agence pendant les trois prochains jours, ça nous laisse perplexe…

 

Il faut savoir que pour vadrouiller dans le Salar d’Uyuni et accéder ensuite au Sud Lipez, il faut obligatoirement louer un 4x4 et le chauffeur qui va avec, à moins d’être un maso de la marche et d’avoir trois mois devant soi. Tu as aussi l’option vélo mais… comment te dire… ce serait comme te prêter mon beau bateau gonflable pour traverser l’Atlantique ! « Concrètement, ça s’organise comment ? » Une agence met six touristes dans un gros Land Rover conduit par un chauffeur qui fait également office de guide, de cuisinier et de mécano. Elle secoue le tout et ça te fait une occupation pour trois jours d’escapade au milieu de paysages enchanteurs ! Nous concernant, je me suis mis d’accord avec l’agence Esmeralda Tour pour cent vingt dollars par personne, comprenant transport, nourriture, hébergement pour deux nuits, plus bus pour San Pedro de Atacama depuis la frontière chilienne où nous abandonnera notre guide. Bon, pour le moment, le gars qui est venu nous chercher nous abandonne juste à l’agence où on nous demande illico le règlement de la prestation. Rendez-vous est pris pour le départ à dix heures trente précises ; de quoi nous laisser juste le temps pour quelques courses et une balade dans Uyuni sans intérêt. Faut dire que cette ville triste aux avenues immenses balayées par les vents ne va pas nous marquer par son architecture. Elle n’a vraiment comme seul intérêt que de se situer à côté d’un des plus beaux endroits du monde qu’on trépigne d’impatience d’aller rendre visite. On trépigne, on trépigne,… sauf qu’à l’heure prévue du départ, personne. A onze heures, toujours personne. Moi qui suis à cheval sur l’organisation, je suis complètement désarçonné ! Vraiment, on commence à se poser des questions sur le sérieux de cette agence… Ouf, notre guide finit enfin par se pointer. Je te présente donc Carlos. Premièrement, il ne baragouine pas un traitre mot d’anglais. Même « one again a bistoufly », lui pas connaître. Secundo, il est tellement petit qu’il a la tête qui sent des pieds ! Point positif, nous serons à l’aise Blaise car là où d’autres agences mettent leurs clients en conserve jusqu’à sept personnes dans un 4x4, nous ne serons que quatre en plus du guide. Je te présente donc également Brian l’english et Gin Hie la sud-coréenne qui seront de la partie pour cette vadrouille ! Première étape,… le garage ! « Euh, là, tu tirelipimpon sur le chihuahua mon Carlos ! Tu n’aurais pas pu changer ta roue avant, non ? » Non, mais sérieux…

 

Pffff, je me suis bien fait berner avec cette pub pour l’agence Esmeralda qui tournait en boucle sur internet : « On est tellement sûr de notre programme, on est tellement sûr que ça va vous plaire, on est tellement sûr que ça va marcher pour vous, qu’on est prêt à débuter l’excursion avec deux heures de retard ! »... « Moi, avec mon agence "Comme j'aime Esmeralda", j'ai perdu deux heures de mon temps ce matin ! » Ouf, onze heures quarante-cinq, hip hip hip hourra, champagne pour tout le monde, et un, et deux, et trois, zéro, on quitte enfin Uyuni ! On commence par la découverte du cimetière des trains. Uyuni étant un carrefour ferroviaire pour le transport de minerais il y a quelques décennies, on trouve ici de nombreuses locomotives et wagons abandonnés au fil du temps qui font maintenant partis du paysage local. L’endroit en est même devenu une véritable attraction touristique, à seulement trois kilomètres de la ville. À peine arrivés, il y a certaines vérités qui font mal à entendre : Oui, l'infirmière peut être un infirmier et la Sécu ne te proposera pas de dédommagement si c'est un mec moustachu qui vient te faire ta piqûre. Oui, la quantité de 4x4 présents ici nous rappelle que le Salar d’Uyuni est un des lieux les plus connus et les plus courus de l’Amérique du Sud. Bon, on en fait fi et on escalade gaiement les vieilles carcasses de trains pour passer le temps et attendre de prendre enfin, une bonne fois pour toutes, sans tergiversation, après moultes salles d’attente, la direction du salar qui risque d’avoir disparu avant qu’on puisse le voir !

Unboliviable !
Unboliviable !
Unboliviable !
Unboliviable !

Caramba, encore raté ! Car après les vieilles Micheline, on a maintenant droit à un arrêt vide-porte-monnaie aux boutiques attrape-touristes de Colchani ! Bon, Carlos, ok pour acheter un dinosaure en plastique à tes copains mais après ça, faut bouger ! Message reçu cinq sur cinq car ça y est, la chaudière est enfin allumée ! « Euh, au fait, pourquoi un dinosaure en plastique ? » Ça, tu le sauras bien assez vite… Car là, on pénètre enfin sur le salaaaaaar. Sauf que Carlos décide qu’il est déjà l’heure de faire taire nos ventres pas si affamés que ça ! « Carlos, tu ne comprends donc rien ! Ce sont nos yeux qui ont faim ! » On mange dans un bâtiment construit intégralement en sel à l’entrée du salar. C’est aussi ici qu’est donné chaque année le départ du Dakar ! Non, nous ne nous sommes pas téléportés sur le continent africain, mais c’est bel et bien ici que la course bat son plein depuis que l’instabilité politique et sécuritaire des pays d’Afrique a poussé les organisateurs à migrer ici, en Amérique du Sud.

Unboliviable !
Unboliviable !
Unboliviable !

« Hé, tu ne devineras jamais ce qui nous arrive… Ladies and gentlemen, il est treize heures et la journée qu’on attendait tant commence enfin ! »  Aya aya aya… Oh, que c'est beau !... Aya aya aya, Dieu que c’est beau ! Aya aya aya… Je pourrais très bien rendre une copie blanche vu qu’il n’y a pas de mot pour décrire ce que je vois… Blanche comme une page vierge de toute souillure, mais surtout blanche comme la neige fraîche, blanche comme le lait, blanche comme les colombes, comme la lessive, comme les nuages, comme des dents brossées à l’émail diamant… Bref, lavé avec Persil, plus blanc que blanc ! … On pourrait peut-être comparer l’endroit à l’Antarctique où le bleu et le blanc sont les uniques couleurs à se mettre sous la rétine. En tout cas, ça y ressemble comme deux gouttes d’eau salée ! Nous roulons sur le sel pendant plusieurs minutes de contemplation, jusqu’à ce que les montagnes au loin disparaissent pour ne laisser place qu’à cette gigantesque étendue éclatante sous le soleil. J’ai du mal à en croire mes yeux, c’est encore plus impressionnant que ce que je m’étais imaginé. Non mais tu t’rends compte ! Nous roulons sur le plus grand désert de sel au monde ! C'est suite à l’assèchement du lac préhistorique Minchin, il y a plus de quinze mille ans, que s'est formée cette étonnante couche de sel sur un périmètre grand de cent kilomètres de large sur cent-cinquante de long, l'équivalent de la surface de deux départements français ! A certains endroits, la profondeur du gisement en sel peut atteindre cent vingt mètres ! On estime les ressources de sel disponibles à soixante milliards de tonnes… Et à cinq millions de tonnes de lithium exploitables sur les onze millions que comptent la planète. Autant te dire que la Bolivie tient là une véritable mine d’or si le marché des voitures électriques explose. Bref, voilà des chiffres qui donnent le tournis et qui font de cet endroit une source de richesse infinie et un des lieux les plus beaux et insolites que compte notre planète.

 

Chuuuut… Après avoir roulé une heure au milieu de cette immensité, nous coupons le moteur… Moment spécial… En descendant de la voiture, je sens le sel crisser sous mes pieds. Je suis là, perdu au milieu de ce salar irréel, infini, pur, la main me protégeant d’un soleil qui ne m’avait jamais tant ébloui. Un silence de plomb s’installe, personne ne parle de peur de faire s’évanouir cet environnement si zen, de peur de s'extirper de ce rêve éveillé. Personne à l’horizon, pas même un maniaque du selfie, nous sommes délicieusement seuls. Certains se sourient pour se témoigner cette jouissance visuelle en silence, d’autres se pincent pour être sûr de ne pas halluciner. Personne ne parle, non, mais nous pouvons tous comprendre ce qui se passe à cet instant dans l’esprit de chacun. Quand tu as froid, tu as la chair de poule. Quand tu es excité, tu as de l’adrénaline… Quand tu es ému, les larmes te montent aux yeux… Et bien quand tu es dans le Salar d’Uyuni, tu as les trois à la fois ! Si maman siiii, si maman siii, maman si tu voyais c’que j’vois !!!

Unboliviable !
Unboliviable !
Unboliviable !
Unboliviable !
Unboliviable !
Unboliviable !

Passé cet instant de béatitude zénifiante, il est l’heure de sortir l’artillerie lourde : Notre pote Rex le T-rex ! Ah, nous y voilà ! L’étendue plane et illimitée du salar permet en effet de jouer avec les perspectives pour réaliser des photos originales, voir même marrantes… Attention, je te préviens tout de suite, c’est du boulot ces photos ! Il faudrait prévoir un diplôme spécial « Metteur en scène de photos sur salar » parce que ce n’est pas donné à tout le monde ! Il faut prévoir quelques ustensiles et pourquoi pas préparer les poses avant de venir. Nous concernant, c’est ce qu’on a fait… et ça donne ça :

Unboliviable !
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Unboliviable !
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Unboliviable !
Unboliviable !
Unboliviable !
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Franche partie de rigolade ! Et merci au petit Carlos pour son aide ! Par contre, ce qui nous fait bien plus mal que de marcher sur un Légo, c’est le moment où il nous contraint par la force à remonter dans son 4x4. « Quoi ? J’peux pas rester là cette nuit ? Vas-y, file-moi un plan, je vous rejoindrai à l’hôtel demain matin ! Mais naaaaan… ch’uis sûr que c’est pas loin, arrête de dire des bêtises !... Hé, ho, pas la peine de le prendre sur ce ton, Carlos ! Ce n’est pas parce que c’est toi le chauffeur du 4x4 qu’il faut te la péter comme ça, hein !… » Bon, allez, si on part, c’est pour se rendre à une nouvelle étape qu’on rejoint après une nouvelle heure de route sur le salar : L’île Incahasi, la fameuse île aux multiples cactus ! Oui, oui, il y a bien une île au beau milieu de cette mer de sel ! Oui, oui, elle est recouverte d’immenses cactus ! Non, non, promis, on n’a rien fumé ! Du haut de cette île, c'est un panorama à trois-cent-soixante degrés sur plus de cent kilomètres à la ronde qui s'offre à nos yeux ébahis. Une immensité de particules blanches de forme hexagonale sous un ciel bleu immaculé. Et les cactus sont bel et bien présents au rendez-vous ! Des cactus géants dont les plus grands atteignent une douzaine de mètres ; la croissance de cette espèce étant pour l'anecdote d'environ un centimètre par an. En tout cas, j’essaye de graver de nouveau ces moments dans ma boîte crânienne pour me les ressortir à la même heure dans une semaine quand je serai en galère chez un client !

Unboliviable !
Unboliviable !
Unboliviable !
Unboliviable !
Unboliviable !
Unboliviable !
Unboliviable !
Unboliviable !
Unboliviable !

Après une nouvelle heure de route qu’on ne fait d'ailleurs toujours pas sur une route, Carlos s’arrête de nouveau pour nous permettre cette fois-ci d’assister au coucher du soleil sur le salar. Bon, ben, je ne sais pas quoi te dire de plus qu’avant d’aller vérifier s’il existe dans le ciel, j’ai trouvé le paradis sur terre... Et qu'incroyable est le mot qu'on se répète continuellement, encore et encore... Je crois pour ma part l'avoir lâché une bonne vingtaine de fois. Et pourtant, je trouve que le mot ne donne même pas la mesure du sentiment qui nous gagne. On passe du jaune au orange, du rose au violacé tout autour de nous. Picasso, Bowie, Dali, Mbappé, Eve Angeli,… ? Y’a pas à dire, pour moi, la nature reste sans équivoque la plus grande artiste de tous les temps. Allez, comme tu as été bien sage, je te laisse batifoler en sa compagnie :

Unboliviable !
Unboliviable !
Unboliviable !
Unboliviable !
Unboliviable !
Unboliviable !
Unboliviable !

Ça va ? Pas trop mal aux yeux ? Pas trop ébloui par tant de beauté ?... Bon, on a survécu à grands coups d’anxiolytiques au départ de Julien Lepers de « Questions pour un Champion », mais pas sûr que l'on parvienne à survivre à notre départ du Salar d’Uyuni ! Voilà, c'est fini, ne sois jamais amère, reste toujours sincère, t'as eu c'que t'as voulu, même si t'as pas voulu c'que t'as eu… Nous nous dirigeons maintenant de nuit vers la maison de la famille qui va nous ouvrir ses portes ce soir. Une maison, pour la petite cerise sur le gâteau salé de cette journée, construite intégralement en blocs de sel, y compris nos lits ! Bon, une fin heureuse, c’est bien mais ça fait trop téléfilm de Noël à mon goût. Toi, j'suis sûr que tu préférerais une fin bien tragique parce que le malheur des autres, c’est plus intéressant que leur bonheur, n'est-ce pas ?... Du coup, pour satisfaire le côté obscur de la force qui est en toi, sache qu'on se quitte sur une douche à se briser les dents sur une eau, soit à faire bouillir des pâtes, soit à congeler un pingouin ! M'en fous, maintenant j’ai deux amours, mon pays et le Salar d’Uyuni !... Cher ami vadrouilleur, toi qui as lu ces lignes, dis-moi sincèrement : As-tu surkiffé de partager cette journée au Salar d’Uyuni avec nous ? Cela t’a-t-il donné l’envie subite de nous rejoindre ? Si oui, promets-moi une chose : Être avec nous demain pour notre départ pour le Sud Lipez ! De toute façon, demain est une autre aventure…

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